Le goût du Calvados

Une histoire de spiritueux normand

Assise au comptoir d’un bar parisien branché à l’ambiance feutrée, je regarde attentive,

le mixologue élaborer pour moi un short drink. D’un geste précis, assurant le spectacle, il manie le shaker. J’ai commandé comme dans un des romans d’Hemingway un Jack Rose: sirop de grenadine, jus de citron et Calvados; le goût fruité est un peu corsé à mon palais. Le breuvage sirupeux fait son effet mais je peine à retrouver les arômes si particuliers qui donnent ses lettres de noblesse au spiritueux.

Et si, dans ma quête de goût, nous quittions Paname pour la Normandie afin de le découvrir? Partons ensemble faire un voyage au coeur du pays de Bray, déguster l’AOC Calvados d’exception du domaine de Merval.

Le domaine de Merval

C’est à l’invitation de Floriane et de l’épicerie « chez Olivier » à Dieppe qu’il m’est offert une visite privée du chai du domaine de Merval.

Le relief brayon est vallonné; mon regard se pose sur des champs où paissent paisiblement des vaches de race normande. Ici le bocage normand, bucolique à souhait, nous mène sur les traces des livres de Flaubert.

Au détour d’une route sinueuse, près du village de Brémontier-Merval, apparaît un imposant château du 17ème siècle. C’est le centre de l’ exploitation en agriculture biologique de 120 hectares qui abrite le lycée agricole du domaine de Merval.

« Donner à voir pour donner à réfléchir » telle est la vertueuse devise du lieu.

Le maître de chai

Le chemin qui mène aux anciennes écuries est un peu cabossé: le chai se mérite. François Juguet, le maître de chai, nous y attend déjà. Les clés en main, il nous ouvre les portes du "saint des saints". L’alambic majestueux apparaît. Sa particularité? "Il est à repasse": la distillation du cidre s’effectue en deux chauffes successives qui permettront à l’eau de vie de titrer à un minimum de 40% d’alcool, afin d’obtenir l’appellation Calvados.

François est passionné par son métier; de l’écosystème déjà en place à celui qui est en cours de création, le maître de chai est intarissable:

« pour laisser un patrimoine fruitier, nous avons planté des variétés anciennes de pommiers du pays de Bray ».

« Notre objectif est la typicité du produit qui sera l’expression de notre savoir-faire et de notre terroir ».

Sur le domaine de Merval, l’agriculture est pensée dans le plus grand respect du vivant. Cela se traduit par le pré-verger (forme ancestrale d’agroforesterie) où les troupeaux pâturent au milieu de vergers hautes-tiges et par la réintroduction d’abeilles noires normandes qui assurent la pollinisation des fruitiers.

"Nous travaillons dans une philosophie qui place la production sur le long terme" nous dit François.

Du temps, il en faut pour élaborer un calvados d’exception, 9 heures de distillation, près de 14 heures de repasse et un minimum de deux ans de vieillissement. Pour le maître de chai:

« il ne faut pas être pressé, tous les maillons de la production sont importants ».

Sens en éveil

« Laisser du temps au temps », j’ai cette expression en tête en entrant dans le chai. La douce humidité qui y règne, les odeurs, me semble t’il d’alcool ou bien de pomme… les deux sans doute, me montent tout doucement à la tête.

Dans ce lieu, l’eau de vie dans son fût de chêne normand, prend le temps du vieillissement. Les arômes vont, au contact du bois, s’intensifier, se complexifier, dans un voyage qui offrira à celui qui saura le déguster, l’expression d’un millésime.

Les nombreuses médailles obtenues lors du Salon de l’Agriculture témoignent de la qualité du calvados du domaine de Merval. Pour Francois Juguet une des plus précieuses récompenses est celle d’avoir été choisi par la maison Olivier à Dieppe : pour lui « Chez Olivier » est à Dieppe ce que Fauchon est à Paris!

Du trou normand des repas familiaux aux café-calva pris sur le zinc d’un bistrot, le calvados est l’expression d’un terroir, de l’identité française qui fait notre renommée à travers le monde.

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